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    La nuit est tombée sur la montagne. La lune brille, dans un ciel de velours noir, entourée de ses amies les étoiles. Elles veillent toutes ensemble sur le sommeil des sapins, des chamois, des marmottes…et des hommes, petits et grands, endormis bien au chaud dans le chalet caché sous la neige.
    Tout est calme… Plus un bruit ne résonne…
    Plus un bruit ? Mais alors quel est ce son léger, étouffé qui semble tomber du ciel ?

    C’est un petit flocon de neige, accroché là-haut à son nuage, qui pleure.
    Toute la journée, il a regardé ses amis voler, tournoyer dans le ciel, puis se laisser tomber doucement, portés par un souffle d’air, sur le sol. Il les a entendus rire, crier leur joie.
    Il les a vus courir après le vent, puis jouer avec les enfants de la montagne. Il les a regardés encore se laisser attraper, embrasser par les petites bouches vermillon, caresser par les menottes emmitouflées. Qu’il aurait aimé les rejoindre !!! Surtout en fin d’après-midi, lorsque les enfants ont rassemblé tous les flocons pour confectionner le magnifique bonhomme de neige, coiffé d’un bonnet bleu et nanti d’un si long nez orange, qui garde maintenant le jardin.

    Mais lui est resté seul, sur son nuage. A présent, il est triste. Il pleure… Soudain, la nuit devient plus lumineuse. C’est la lune qui s’approche, s’approche, et demande d’une voix douce…
    « Mais qu’as-tu donc, petit flocon, pour être si triste ?
    - Oh, Dame la Lune, je pleure parce que je suis seul. Mes amis sont tous partis, là-bas, dans la montagne.
    - Pourquoi ne les as-tu pas accompagnés ?
    - Je n’ai pas osé !
    - As-tu peur de quitter ton nuage?
    - Non, non.
    - As-tu peur alors de ne pas savoir voler ?
    - Non, non, ce n’est pas ça !
    - Mais alors, je ne comprends pas. Explique-moi ! »

    Dame la Lune le regarde si gentiment, avec tant de douceur que le petit flocon de neige se décide à tout lui expliquer : voilà, il est un peu plus gros, un peu plus épais que tous ses camarades. Tout rond, il ne ressemble à aucun flocon de neige. Tous ses camarades étaient fins, ciselés comme de la dentelle. Et beaucoup s’étaient moqués de sa forme bizarre, jamais vue au pays des neiges. Il avait donc pris l’habitude de bien demeurer caché tout au fond du nuage duveteux.
    Mais les flocons ont grandi et aujourd’hui était venu le jour du grand envol. Tous avaient quitté avec joie le nuage, heureux de connaître l’ivresse des airs. Tous, sauf lui, qui n’avait pas voulu montrer à nouveau sa forme inhabituelle, lui qui n’avait pas voulu subir encore les moqueries de ses camarades. Alors, il était resté là, solidement accroché au rebord de son nuage.
    « Mais, lui dit la Lune, tous les flocons de neige sont différents. Comme mes amies les étoiles : quand on les regarde de loin, on trouve qu’elles se ressemblent. Mais dès qu’on s’approche, on remarque à quel point chacune est différente, unique. Il en est de même pour tous tes camarades.
    Et toi aussi petit flocon, tu es unique. C’est ta différence qui fait de toi quelqu’un de précieux.
    Alors, ne crains pas de te montrer ! Sois fier de ce que tu es : un flocon extraordinaire ! »

    A ces mots, le petit flocon a séché ses larmes. Il s’est redressé. Il a regardé son nuage, puis la montagne enneigée… Il a respiré profondément… Et après un dernier sourire à la Lune, il s’est élancé… a tourbillonné dans les airs, goûté la joie de se sentir libre et léger…avant de venir se poser…là, juste sur le bout du nez du bonhomme de neige.

    Sous le regard attendri de la lune, dans le froid de la nuit étoilée, petit flocon brille, brille de mille feux, tel un diamant car il sait désormais qu’il est précieux parce qu’ …

    UNIQUE.

    Réédition


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    Il y avait alors en Bretagne, un roi qui se nommait Constant. Il mourut bientôt en laissant deux enfants en bas âge : Moine et Uter Pendragon.
    Or, le sénéchal du royaume, un certain Voltiger, homme féroce, plein d'ambition, et qui briguait le trône, donna l'ordre de tuer les enfants.
    Uter Pendargon eut la chance d'échapper à cet ordre en partant clandestinement, avec de fidèles amis, pour une ville étrangère. Et Voltiger, se croyant sûr de pouvoir agir à sa guise, ne tarda guère à se faire couronner roi de Bretagne.
    Mais il n'était pas digne d'une aussi haute charge. Il n'aimait que les honneurs et point du tout ses sujets. Et ses sujets le savaient bien, qui haïssaient ses petits yeux au regard méchant, et sa bouche large et mince qui ne s'ouvrait que pour blâmer et punir.
    Voltiger, en dépit de cette impopularité qu'il sentait grandir autour de lui, était décidé à demeurer roi coûte que coûte. Aussi voulut-il, pour se protéger, faire bâtir aux portes de la ville une tour si haute et si forte qu’elle ne pût jamais être prise. Les maçons se mirent donc à l’œuvre, mais à peine la tour commençait-elle de s'élever de trois ou quatre toises au-dessus du sol, qu’elle s'écroula. Voltiger convoqua ses maîtres maçons et contenant à peine son mécontentement, il leur commanda d'employer la meilleure chaux et le meilleur ciment qu'ils pourraient trouver. Et gare à eux si le travail ne s'accomplissait pas correctement ! Ainsi firent-ils, vous le pensez bien !
    Hélas ! quand elle fut presque achevée, une seconde fois, la tour s'écroula. Puis une troisième, et une quatrième. Si bien que les châtiments tombaient drus sur les maçons et que le roi enrageait de plsu en plus.  Finalement, dans la crainte de ne jamais voir sa tour édifiée, Voltiger s'avisa qu'il valait mieux s'adresser aux mages et aux astronomes qu'aux maçons. Après onze jours de graves discussions, ceux-ci persuadèrent le roi que la tour ne tiendrait jamais si l'on ne mélangeait au mortier le sang d'un enfant de sept ans, né sans père.
    - Que douze messagers partent immédiatement à travers la Bretagne et ramènent un enfant qui réponde à ces conditions, ordonna Voltiger.
    Un beau matin, l'un de ces messagers rencontra sur sa route des jeunes garçons en train de s'amuser. Parmi eux se trouvait Merlin. Et Merlin, qui connaissait toutes choses, s'avança vers lui et dit :
    - Je suis celui que tu cherches, Messager. Enfant sans père dont tu dois rapporter le sang à ton roi.
    - Qui t'a dit cela ? demanda le messager interloqué.
    Ce garçon ne ressemblait pas  tout à fait aux autres garçons. Il n'avait pas le regard rieur et naïf des jeunes enfants.
    - Si tu me certifies que tu ne me feras aucun mal, j'irai avec toi et je t'expliquerai pourquoi la tour ne tient pas, poursuivait Merlin. Mais je pourrais d'abord te montrer que je sais bien d 'autres choses, ajouta-t-il négligemment.
    - Vraiment ? dit le messager. Allons ! Parle...
    Et il regardait Merlin avec une méfiance non déguisée.
    - Eh bien, il s'agit d'une tour que le roi Voltiger voudrait bâtir, mais la tour s'écroule toujours. Alors il a réuni des mages...
    Du geste, le messager l'interrompit. Il se disait : "ce garçon est extraordinaire. Non, je ne puis le tuer."
    - Viens avec moi, ordonna-t-il à Merlin. Et, saisissant le bras de l'enfant, il ajouta plus doucement : n'aie pas peur.
    Merlin, lisant dans sa pensée, accepta volontiers de le suivre. Auparavant, il alla embrasser sa mère qu'il rassura pleinement.
    Tout au long du chemin,, le messager acquit la conviction que Merlin était l'être le plus prodigieux qui eût jamais foulé le sol breton et qu'il se devait, en conséquence, de le maintenir en vie. Seulement, quand il arriva à quelques kilomètres du palais, il se demanda comment il s'y prendrait avec Voltiger. Merlin aurait-il une idée ?
    - Dis au roi al vérité, répondit Merlin. Donne-lui l'assurance que je lui expliquerai pourquoi il ne parvient pas à bâtir sa tour.
    Ainsi fit le messager, si bien que le roi, intrigué au plus haut point, manda Merlin, lequel prononça alors ces mots :
    - Sous les fondations de la tour, habitent deux dragons. L'un est rouge et l'autre est blanc. Quand le poids de la tour devient trop pesant pour eux, ils éprouvent le besoin de se retourner. C'est à ce moment que les murs s’écroulent.
    - Dans ce cas, il ne reste qu'une chose à faire, dit le roi, creuser le sol.
    Et aussitôt les ouvriers se mirent au travail. Dès qu'ils atteignirent la base des fondations, ils trouvèrent deux énormes dalles qu'ils soulevèrent. Merlin avait raison : deux dragons en sortirent qui se jetèrent sauvagement l'un contre l'autre.
    Stupéfaits, intrigués, Voltiger, sa cour et tous les ouvriers suivirent la bataille, qui dura deux jours. Le dragon rouge parut d'abord avoir le dessus, mais le blanc, plus agile parce que plus jeune, finit par le tuer. Cependant, son triomphe fut bref, car il se coucha et mourut à son tour.
    S'adressant à Voltiger, Merlin lui dit :
    - Maintenant, tu peux faire édifier une tour.
    Voltiger hocha la tête. Après un temps de réflexion, il demanda :
    - Saurais-tu me dire ce que signifie la bataille des deux dragons ?
    Merlin sourit :
    - Promets-moi d'abord de ne point me malmener pour t'avoir dit la vérité.
    - Je te le promets.
    - Alors écoute bien : le dragon rouge, c'est toi, Voltiger, le dragon blanc, c'est Ute Pendagon. Dans quelques jours, vous entrerez en lutte : toi pour garder, lui pour reconquérir son royaume usurpé. Et le dragon blanc sera vainqueur du dragon rouge.
    A ces mots, le roi pâlit. Uter Pendragon était-il donc encore un vivant avec lequel il fallait compter ? Le cœur lourd d'angoisse, il décida par prudence d'envoyer une armée à Wenchester. Pouvait-il se douter que lorsque ses gens verraient luire au soleil les bannières d'Uter Pendragon sur le bateau qui l'amenait de Petite-Bretagne au-devant de cette armée menaçante, ils le reconnaîtraient aussitôt pour leur roi légitime ?  C'est ce qui arriva pourtant et Voltiger, abandonné de ses soldats et de ses amis, n'eut que le temps de s'enfuir dans un de ses châteaux forts.
    Il y demeura quelques jours en proie à la peur, ainsi que l’avait prédit merlin, il mourut pendant l'assaut qu'Uter Pendragon donna à la forteresse.
    Il advint qu'Uter Pendragon, devenu roi de Grande-Bretagne entendit parler de l'extraordinaire Merlin, qui non seulement connaissait toutes choses, mais possédait encore de singuliers pouvoirs.
    Le roi décida donc de le faire vivre à sa cour, et envoya des messagers à sa recherche, sachant qu'il se cachait dans la forêt de Northumberland.
    Un jour que l'un de ces messagers parcourait cette forêt épaisse et toute bruissante du murmure des feuilles, il aperçut, vêtu d'un bliaut élimé, les cheveux hirsutes, la barbe longue, et portant sur l'épaule la cognée des bûcherons, un homme très maigre qui l'aborda en ces termes :
    - Beau Sire, vous ne faites guère, me semble-t-il, la besogne dont vous a chargé votre seigneur...
    Amusé, autant que déconcerté par cette remarque, l'enquêteur s'arrêta et, d'un ton de plaisanterie, demanda au bûcheron de quoi il se mêlait.
    Sasn répondre directement à la question, celui-ci déclara :
    - Si je cherchais merlin, il y a belle lurette que je l'aurai trouvé ! Cependant, il m'a recommandé de vous dire qu'il se rendra au palais si le roi en personne vient le quérir en cette forêt.
    Ce qui eut pour résultat de faire ouvrir des yeux tout ronds de stupéfaction à l'enquêteur.
    - Merlin ! répétait-il. Tu connais donc Merlin... ?
    Le bûcheron hocha la tête, puis il disparut dans un fourré après une pantomime compliquée autant qu'intraduisible.
    Quand le roi Uter Pendragon apprit la chose, il n'hésita pas une seconde :
    - Je pars au-devant de Merlin, dit-il.
    Et c'est ainsi que le roi et ses gens chevauchaient, un beau matin d'automne, à travers feuilles et buissons odorants et jaunis. Parvenus à une clairière, ils virent un troupeau de moutons, puis le jeune berger qui les gardait. Ils l'interrogèrent.
    - Connaitrais-tu Merlin, par hasard ?
    - Certes, répondit le berger.
    - Tu es son ami ?
    - J'attends un roi et si ce roi venait, je saurais bien le mener à Merlin.
    - Eh bien, conduis-nous à lui....
    Comme le berger se grattait la tête et paraissait hésiter, Uter Pendragon s'avança et se nomma.
    - Je suis le roi lui-même, dit-il.
    - Et moi, je suis Merlin dit le berger.
    Les compagnons du roi poussèrent des cris d'indignation. Quoi ! Ce berger presque contrefait se prendre pour... mais ils n'eurent pas le temps de terminer leur phrase : à la place du berger apparut le jeune enfant qui avait expliqué à Voltiger devant tous ses courtisans ce que signifiait la bataille des deux dragons. Alors, le roi et ses compagnons, fort impressionnés, la saluèrent et l'entourèrent.
    C'est ainsi qu'on apprit, pour la première fois, en Grande-Bretagne, que Merlin possédait le pouvoir de se transformer à sa guise et de prendre l’apparence d'un autre.
    Cependant, Uter Pendragon eut beau lui promettre monts et merveilles, Merlin refusa de vivre à sa cour. Comme c'était un sage, il se contenta de remercier le roi et de l'assurer de son aide, préférant laisser aller les choses et ne point donner aux courtisans des sujets de jalousie, ce dont il eût été le premier à pâtir.
    Le roi s'inclina, mais dès qu'un problème se posait, qu'une question restait sans réponse, il appelait Merlin qui accourait. Ce fut ainsi que grâce à lui, Uter Pendragon put vaincre des ennemis redoutables, les Saines, et grâce à son pouvoir d'enchanteur, donner aux soldats morts, près de Salisbury, un cimetière aux pierres tombales venues d’Islande, si longues et si lourdes que nul homme n'aurait pu les soulever, même avec un engin.
    Et tant que le monde durera, ces pierres seront là...


    Légendes des Chevaliers de la Table Ronde
    laurence Camiglieri

     

    Merlin l'enchanteur

     


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